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  • Justice et devenir.



    Je ne veux pas grandir…
    Juste, être l’ombre au beau milieu d’une chambre noire.
    Juste, voir venir le jour s’échouer comme un grand duvet sombre, tomber comme un rideau sur scène. Nous irons voir les hommes s’élancer des rocheuses, sauter comme des tubes de couleurs sur un tableau muet.
    Je ne veux pas grandir, ni poursuivre les trains pour tomber sans éthique… et puis garder demain sous un grand plafond noir, cracher l’espoir et le chagrin comme un taggueur sans talent. Je veux l’amour en mosaïque et puis tirer le ciel comme se dénude une femme sous les avances de son astre amant. Ô justice, l’avenir s’offre aux mains d’un homme de phosphore et, las sous le soleil, jette-y ta balance. Ô justice, va te perdre aux égouts pour y crier tes droits, puis plaider tes valeurs…
    Je ne veux plus guérir et m’imbiber d’un clicher désolant, rêver du noir, du blanc, et puis suivre l’homme gris comme un crayon qui pleure…



     

    (Photo de Jose Almeida et Maria Flores )

    © Damien Corbet - tous droits réservés .

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  • Les déboires d’un enfant soldat

    (Ce n'est que l'extrait d'une nouvelle)



    C’était au printemps dernier, lorsque le soleil riait encore et ravivait la mélodie des brousses. De ces jours où, comme à leurs habitudes, les femmes et les enfants chantaient en cercle, lançant leurs mains au ciel et leurs pieds à la terre pour lier l’homme et le dieu. J’étais seul, avec mes trois frères. Il y avait Joffrey, le plus âgé, fort et plein de charisme, Pierre, le dur à cuire, Flamio puis moi, Trotza, 16 ans. Ont a perdu nos parents un jour de forte pluie, sur l’étale d’un marché lorsque mon père avait refusé de vendre ma femme à son patron. Ici la vie n’est pas plus dure qu’ailleurs, enfin, disons qu’il faut savoir faire avec ce que l’on a et s’adapter aux circonstances.
    Tout à coup, les femmes s’étaient mises à crier puis déboulaient de partout.  C’était un jour comme tous les autres, oui… jusqu’à ce que ces hommes viennent nous chercher ayant pour argument :
    -    « Il faut partir ! Dieu nous a dit… »
    Ils étaient tous armés, à n’en plus savoir où trouver la croyance dans cet accoutrement. Ils dirent alors :
    -    « Ce village n’est plus sûr, il faut vous battre pour vos familles et pour tout ce en quoi vous avez foi, il faut vous battre car les grands rois l’ont dit… »

    Ils firent monter hommes et enfants sur sélection. Joffrey et Pierre restèrent là-bas puisque leur couleur ainsi que leur nom n’était pas assez Africain pour leur permettre d’être dans l’armée. Flamio s’était mis à côté de moi, tremblant, les yeux emplis d’inquiétude. Le camion démarra alors, laissant nos deux frères derrière nous, les accompagnant d’un signe de la main. Il faut croire que la religion excuse tous  les actes, mais Ils avaient le sourire, allez savoir pourquoi. Pendant le trajet, nombreux étaient les soldats qui pariaient nos vies quant à notre physique, certains me donnaient deux jours tandis que d’autres me donnaient trois mois. Lorsque je voulais les regarder pour me faire une idée de mon devenir, ils pointaient leurs armes vers moi, et me disaient d’un ton agressif :
    -    « Quoi ?! Retourne-toi, tu comprendras bien assez tôt ! »
    En effet, un long camp de tentes était en vue. Tout autour, il y avait quelques murs, et des soldats. Le camion entra dans le camp et déjà, l’odeur de poudre et de vieux moteurs venaient me brûler le nez. Il y avait des enfants de tous âges, une église s’imposait au centre de ce camp tandis qu’à gauche et qu’à droite de cette même église se trouvaient des voitures armées, des réserves de munitions et tout plein d’autres bâtis de guerre soulignant ce contraste. Les soldats nous firent alors descendre du camion et nos répertorièrent nom après nom. Le camp était vraiment grand, je n’avais jamais vu autant de monde mais surtout, autant de personnes aussi pressées. Ils nous dirigèrent vers l’église où un homme habillé en marabout  -sûrement un étranger qui n’y connait rien à notre religion- nous attendait.
    Cet homme bizarre, accompagné d’un confrère de notre village chantèrent des chants à la mémoire de nos compatriotes déjà morts. Il entama un discours des plus infondé et absurde qui soit. Il argumentait le fait que Dieu nous avait envoyé un signe et qu’il fallait tuer l’homme blanc. Ici, c’était un peu l’école de la mort, dans une église. On vous apprenait à tuer pour donner vie à l’âme, à foncer sans comprendre, puisque si l’on était croyant, le ciel nous accorderait sa clémence.  Ensuite, après le discours du marabout venait le général, un petit homme au visage marqué par la sévérité. Il ne semblait pas bien méchant, mais ses discours étaient tels qu’ils vous arrachaient le cœur.

    -    « Ici, vous oublierez amour et famille, ici, seule la survie et la gloire ont leur place. Il n’y a pas de compagnie ou même de fraternité qui tienne, seul vous et vous seul serez la clé de votre survie. Aujourd’hui, vous n’êtes plus humains, vous êtes soldats et la mort est l’arme que le seigneur vous à donné pour offrir la vie à notre peuple futur. »

    Ses directives étaient claires et notre semblant d’humanité n’était qu’une étincelle dans un canon. Au centre de préparation, on m’assigna deux autres enfants de douze et treize ans, ainsi que mon frère tout ça parce que mon nom signifiait « élu » dans notre langue. Les soldats me dirent :
    «  Tu dois prouver que tu mérites ce nom, alors voici trois jeunes marmots qui devront donner leur vie pour te protéger. »

    Les soldats, quoi de plus insensé. Le plus jeune, de douze ans se nommait Alberto et l’autre de treize ans, Albouhada. Alberto, qui pourtant était le plus jeune montrait le plus d’indifférence et de hargne à la situation. Son regard était vide comme le canon d’une arme et ses mains dures comme une montagne.  Il n’était pas du genre très bavard, disons qu’il préférait les actes à la parole… en somme, un vrai soldat. Le nuit tomba vite, et les chants des femmes qui venaient du loin faisaient vibrer le ciel. Flamio s’était endormi sans trop de soucis, comme si rien ne s’était passé. Pourtant, même dans le silence, on entendait dans le font de la tête des enfants présents ici, une seule phrase résonner :
    -    « Demain, je vais devoir tuer… »

    Nul enfant n’est fait pour ce massacre. On aura beau nous dire, vous êtes les enfants de Dieu, soldats d’une une guerre pour la paix mais les mots sont ce qu’ils sont et les actes restent et de loin, plus concrets et conséquents sur la perception de notre humanité.
    Alberto, qui jusque là n’avait su montrer que sa force et son imperméabilité quant à ce qui se passait, faisait preuve de détachement et d’hésitations. Ses mains faisaient sans cesse des allés et retours pour couvrir son visage. Il disait même, d’une voix tremblante, que tout homme qui part faucher l’existence et les convictions d’un autre homme, quel qu’il soit, se devait  d’être aveugle.
    Le jour se leva bien trop tôt et se riait de nous sur son royaume de nuages sanglants, l’aurore.
    Le chef arriva et nous leva de force. Les paroles n’avaient nulles importances à ce moment là, les gestes se suffisaient à eux même pour nous dire, c’est l’heure, va-y. Après tout, même une arme entre les mains, nous sommes tous des lâches qui ne savent trouver par eux-mêmes un moyen d’avancer autrement.
     

     

     

     


    © Damien Corbet -Tous droits réservés.
     


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  • C'était avant la houle, que ballottaient les cœurs...


    Sur un vieux port où le silence dansait seul dans la brume, on voyait quelques mouettes perchées le bec ouvert comme un vieux projecteur jouant avec ces vieilles histoires d’amour et de joie qu’on laisserait consumer comme une sèche sur un quai.
    Il y avait des femmes qui séchaient leurs larmes aux creux des bras des matelots tandis que d’autres, au loin, s’en allaient le regret sur une photo pliée au font d’une poche, n’ayant vus qu’eux, n’ayant dit pour seul mot...moi, sans voir leur revenir. De jeunes fils, du bout de leur béret qui leur tombait au bord des yeux, se disaient déjà… papa, en preuve d’être fait l’un par l’autre. De jeunes filles dansaient, voilant sous leur chapeau d’adieu, ces quelques pleurs qui coulent les navires lorsque l’espoir vise ailleurs. L’amour est éphémère lorsque l’homme part en mer et qu’à la quête de sirènes, sa femme reste sur terre. C’était il y a trente ans, lorsque les allées noires qui bordaient la mer, voguaient quant à l’idée de voir un nouveau jour, resplendissaient comme ces prières piquées dans un bouton, noyées… comme un uniforme à la mer.
    Et dans les bars, les visages s’effaçaient sous les nuages d’une cigarette, comme une houle se disant preuve du bon temps sur fin de bande, lorsque les sourires déteignaient. C’était ici qu’avaient fleuris les cœurs mais pourquoi, tout n’a-t-il pas encore disparu, pourquoi…
     




    © Damien Corbet -Tous droits réservés.


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  • La valse de Juliette ou, le blues du wagon.


    C’était avant la guerre
    Peut-être même demain
    Peut-être…
    C’était avant-hier
    Avant… nous aurions pu
    Nous aurions dû
    Nous séparer
    Sans même savoir pourquoi
    Avant minuit
    Sans aiguilles dans les yeux
    Juste sensé
    Saisir la chance
    D’avoir été
    Sans même savoir…
    Était-ce peut-être
    Hier
    Pour nous laisser une chance
    D’avoir été
    Deux
    Au font des bras
    Sans même se connaître
    C’était
    Avant-hier
    Peut-être même demain
    Peut-être
    Trop tard
    D’avoir compris
    Qu’il était bien trop tôt
    Pour te laisser partir
    Là-bas
    Ou je n’ai vu que moi
    Que toi
    Là-bas
    Peut-être trop…
    Perdue
    Peut-être
    Sera-t-il trop tard
    Mais l’on comprend toujours
    Sans même savoir
    Ce qui viendra demain
    Lorsque l’on n’est victime
    De moi
    De toi,
    Lâcher ta main
    Sans trop… savoir pourquoi,
    Et te laisser partir,
    Là-bas...
    Pour nous laisser une chance,
    et puis venir voir..
    Hier,
    Pour nous offrir
    Demain

    ...


    Peut-être…

     



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