• Paris, Automne 1992.

    Paris, Automne 1992.


    Aux libres penseurs, il ne persiste que la liberté d’avoir été l’objet d’un désir commun.






    Par-delà les vagues de toits – où l’insouciance de tendre leurs mains pour abreuver leur soif tombe de distraction comme tout jeune enfant-, il y a une femme déjà ridée et sans objet comptant, une femme sans histoire, mais qu’on pourrait conter.
    C’est une femme banale – tout en sachant que la recherche de la banalité est en somme d’une originalité sans pareille-, qui ne sait que du goût, le bon vouloir qu’on lui offre lorsque chacun l’achète.
    En face d’elle, se trouve un homme tout aussi commun qu’elle et qui, en se couchant comme tout être sans intérêt, ne compte en lui seul, que la fierté d’avoir vécu.

    Par ailleurs, j’aurais refait sa vie comme celle de tout autre et ce, tout aussi aisément.
    Mais celui qui se penche sur autrui en pensant connaître le monde telle une chose qui lui est ne peut que de son geste lui concéder une part sans âme, fondée sur presque rien.
    Tandis que pour tous ceux qui de leur esprit superficiel, ne faisant preuve que de despotisme, effleurent d’un regarde absolu et nihiliste ces dits « pauvres hommes »dans leur bouche orgueilleuse, il n’y a que celui qui n’a nulle connaissance du complexe, vivant dans l’illogique, qui se verra acteur et maître d’ô combien de luxes, sans demander une scène pour y jouer sa vie.
    D’ailleurs, le monde lui-même est nihiliste si on le restreint à l’homme, on du moins l’image qu’il en émerge. Car tout homme dit « indépendant », il est vrai, vie dans l'illusion du libre arbitre, mais se dire indépendant reviendrait aussi à dire « Je suis ce que je suis », alors qu’en somme, ce qui l’en ressort bien souvent est « Je suis ce que je dois être », d’où la notion de devoir, contre-indiquant toute indépendance morale et physique.
    Mais tu sais, là-bas, en parcourant les rues, On y croise des femmes qui t’accueillent sans visage et qui, du plus éblouissant, du plus profond et fécond des regards, se font soleil d’un souffrant bonheur.
    Tu sais, là-bas, personne ne dit « je suis… »
    C’est comme être l’image d’un homme mettant ses mains sur son visage, ses doigts tels des barreaux, constituant sa cage, et, en daignant la détruire, se briserait chacun d’eux sous peur d’écrire une histoire qui ne lui siérait pas.
    Mais l’idée de ne rien être reste un privilège qu’on ne donne qu’aux pauvres…
    Tu sais, là-bas, en parcourant les rues… là-bas ;

    Par-delà les vagues de toits – où l’insouciance de tendre leurs mains pour abreuver leur soif tombe de distraction comme tout jeune enfant-, il y a des femmes déjà ridées et sans objet comptant, des femmes sans histoire, mais qu’on pourrait conter, et des hommes… qui dansent tous en ronde, qui donnent sans compter, quelques trous dans les poches…



    Des gens qu’on donne, pour en garder le nécessaire, des gens qu’on plaint, qu’on fredonne et qu’on laisse, pour garder bonne conscience, des gens et… et eux comme une chanson dans la tête, et…

    Et l’on offre ses mains, pour tourner d’innocence,
    Et l’on offre ses pieds…
    C’est la chanson du pauvre… qui sonne sur le sol
    Et les misères du riche, qu’on accepte en ses mains…
    Et l’on offre ses mains…
    Pour disparaitre,
    Pour ne plus garder pied…
    Et être riche d’un geste,
    Qui poursuivra demain…


    Des gens, tel un mouchoir au vent, des gens comme un… « Nous avons besoin d’art… ».




    © Damien Corbet - Extrait du recueil " Comme un trou dans la poche" -Tous droits réservés


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