• C’était hier.

    C’était hier.
    Femmes des rues, femmes du monde.





    Singapour, juin 1992,
    elle avait le sourire qui pendait à sa robe.

    À ce jour j’ai connu bien des femmes, peut-être même un peu trop.
    Sous quelques roucoulements marins, j’ai vu la rue, les femmes, les voiles, les flots et les cent pas d’un homme s’en aller sans vague. Au croisement d’Emerald Hill Road, les berges écoutent ce que disent les gens. Ici, dans cette forêt d’hommes au cœur de vinaigre dur, les yeux fourmillent et les langues se retournent. Moi, dans ces couloirs sans pompe où les lumières s’estompent au tournant, je regarde la ville brûlée lorsque le ciel se résorbe en cris. Alors je marche, je contemple l’ombilic tracer sa route parmi les hommes. Ce soir, les rues s’animent et j’y croise des fourbes, j’y rencontre des femmes aux longs habits d’escales, au port braillant lorsqu’une barque s’y mouille… et Lucie. C’est une femme de verre brisé où l’on voit dans ses yeux, son corps, cette mer pouilleuse d’îles qui craquent aux doigts, que j’embrasse sans broncher. C’est un être tout de nuit couvert, aux longs cheveux d’orages, aux seins reliés par trop de paires de manches, suspendus à ma bouche. Et moi, j’aime les femmes des rues, puisqu’elles changent les femmes. Singapour, juin 1992, elle avait le sourire qui pendait à sa robe, c’était hier… mais l’étreinte poétique comme l’étreinte de chair, tant elle persiste, défend toute échappée sur la misère du monde.


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