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A.Macao [Roman en cours]
Bonne lecture à vous.
A.Macao
Nelson Spark
I - Incubation
Il faut baiser Madame Dorneval, ne l'oubliez sous aucun prétexte.
C'est ce que m'avait répété Mr. Hornet le long de la route du Grand Pas, heureux de rencontrer enfin cette femme difforme dont il faisait d'admirables éloges. Il avait pour habitude de me conter des Dames qu'aucun homme ne souhaiterait avoir à ses côtés, qu'elle se tienne en bonne ou même en garde-chiens. Il aimait d'ailleurs penser, qu'une belle dame bien en chair qu'une imposante fortune seule pourrait combler, serait toujours moins utile qu'un « laideron unique » qu'on cache en soirée de peur d'effrayer sa cour. Ce soir là, pourtant, Mr.Hornet se montrait tendancieux, insistant sur des principes qu'il m'avait sermonné avant chacune de mes venues, de ses nouvelles trouvailles. En effet, Madame Dorneval – Ou, la négresse aux boutons d'or, comme certains aiment à l'appeler- est une bourgeoise de premier choix de par sa fortune et qui, malgré son physique abominable, sait se faire entendre et respecter parmi la grande gente.
A ce titre, Mr.Hornet vint presque à douter de mes compétences, remettant finalement en question la somme qu'il dû dépenser pour mes services. «15.000 francs, tout de même. Avec une telle bourse, je pourrais m'offrir trois danseuses du grand Est et quelques dizaines des meilleurs cuisiniers que la France puisse compter, et ce pour le bonheur de Madame Dorneval. Vous en conviendrez donc qu'il est dans votre intérêt de m'offrir la main de cette belle et ce qu'importe la manière.»
Le plus amusant finalement ne fut pas la remise en question d'une tierce somme, mais plutôt l'élégance qu'il avait à s'aimer dans un accoutrement des plus risible, et ce avec une joie qu'aucun ne pourrait gâcher. Il avait d'ailleurs dépensé une modique part de sa bourse - tout au plus 25.000 francs pour plaire aux dames-, autant fut-elle dérisoire à ses yeux.
A cette occasion, Mr.Hornet s'était vanté de sa dernière acquisition - un chiffon dirais-je- auprès de quelques amis ou du moins, toute connaissance possédant une bourse inférieure à la sienne. Comme vous vous en doutez, ses invités lui accordèrent beauté, attirance, et autres choses futiles qu'un idiot, qu'une autruche admettrait en se prêtant au jeu.
Je fus donc le seul à lui retenir cette allure grotesque, et ce par quelques mots qu'il n'eut semble-t-il pas compris :
- Vous pouvez être fier homme, Mr.Hornet, mais vos boutons plaident à la souffrance, si vous m'accordez cette remarque.
- Vous êtes un homme, un vrai, Macao, différent de cette cour inutile, emplie de pauvres gens qui s'exaltent à la vue d'un grand homme. Ils savent regarder, certes, et vous en conviendrez, mais voir est un exercice bien plus complexe.
En effet, ce soir-là, voir m'aurait été bien plus utile que regarder. N'allez cependant point croire que je suis un homme qui se substitue à tout acte courageux quel qu'il soit, mais Madame Dorneval, tout de même, je dois reconnaître à ce titre une faiblesse probante; je n'ai en aucun cas les mêmes facilités à concevoir l'attirance – aussi subjective soit-elle- telle que la voit Mr.Hornet.
Ce soir là, donc, il m'amena devant le portail de la villa de sa belle. On pouvait reconnaître à son jardin, ses servants, ses sculptures, son architecture, difformes tous autant les uns que les autres, l'objet de l'entêtement de Mr.Hornet à convoiter Madame. Un jeunes homme d'une vingtaine d'année vint nous accueillir, portant à ses épaules ce qui se rapprochait au mieux d'un renard mort. En tout homme de classe, Hornet salua l'élégance de ce jeune et m'incita à le suivre seul, appuyant cette décision par ce qui semblait tenir de «l'excuse véritable» :
- Voyons Macao, tout comme moi vous devriez savoir qu'un bourgeois plus fortuné que la femme qu'il convoite doit se faire désirer, la galanterie n'a pas d'ordre lorsqu'il est question d'argent. Aussi, quand bien même il y aurait galanterie, vous en ferez bon porteur en avançant ma venue.
Madame Dornaval m'accueilli donc dans une salle aussi grande que la place des contes. Elle se tenait fièrement, entourée de statues d'hommes qui s'élançaient sous un plafond de rouge et d'orange qui lui, venait mourir dans l'immensité de sa pièce. Je m'avança donc devant Madame pour lui faire part de la venue de mon maître. Elle était habillée de toute sa fortune, un chapeau tombant sur son visage – qui laissait tout de même voir quelques traits marqués par son caractère, ou son âge-, une longue robe lui procurant des formes qu'aucune femme ne possède – et ne souhaiterait sûrement -, et ses mains cachées de gants en soie blancs parsemés d'éclats d'or. Toutes cette richesse était aguicheuse, certes, mais ce qui retenait avant tout mon attention était ces trois serviteurs, perdus parmi la dizaine qui parcourait le mur jusqu'à son infini désespoir. L'un somnolait comme un enfant, imprudent et rêveur, le second un peu moins agité, faisait sauter sa tête de gauche à droite comme si les cordes d'un magicien du bois venaient lui faire la courre. Le troisième enfin, n'était que l'ombre de lui-même, habillé tout de rouge et d'orange comme si la pièce venait prendre vie en son inconscience. Madame Dornval interrompue mon inattention d'un geste léger de la main, mécontente que l'attention ne lui soit pas en tous points destinée. Elle insista donc sur l'identité de Mr.Hornet, sur la raison de sa venue, son mystère, et m'obligea finalement, forte contrariée, à lui décliner nos intentions.
- Voyez-vous, chère Madame, mon maître est un homme de plus aimable et respectable que l'on puisse trouver jusqu'à cent lieux d'ici. Mais avant tout, veuillez excuser mon impolitesse, je me nomme...
- Qu'importe votre nom, votre maître, ce cher monsieur.
- Mon maître m'envoie vous faire part de sa venue, vous transmettant ces mots :
« Très Chère Madame Dorneval, il y a de cela quelques mois, des langues se sont dénouées pour enfin me laisser voir et connaître sans prétention la femme que vous êtes malgré les vils qui courent en ce temps. J'aime le mystère que je cultive sur ma personne, ainsi, vous comprendrez la démarche d'avancer mon Valet -aussi peu délicat qu'il soit, veuillez m'en excuser- pour vous annoncer mon arrivée.
Aussi, j'ai composé ces quelques mots vous transmettant sans fausses valeurs mes intentions :
- Il n'y a de noir que pour l'homme sachant où le jour se couche, et de réelles opportunités uniquement pour celui qui s'accorde à le voir se lever. La nuit est vôtre et n'en reste pas moins contemplée; ainsi j'aimerais faire de vous un tableau, qui chaque jour se ferait désirer.»
- Et bien, voilà un homme sage et de bonne parole que votre maître. Aussi, qu'attendez-vous, allez donc le prévenir, qu'il vienne se réchauffer en mon humble demeure et ne tarisse pas de ces temps par votre incompétence.
[A suivre]
© Damien Corbet - A.Macao. Tous droits réservés.
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