• L'instant : règne de l'éphémère.

     

    Paris, automne 2015; Le boulevard était vide, et son vide s'ennuyait.

     

     Vingt heures déjà, les portes se ferment encore doucement. Quelques envies de vivre qui se dressent ici et là viennent chasser les dernières douceurs du vin lourd : l'ivresse est mieux ainsi.

    Je connais bien cette ville mais n'en connait la fin, cette ville, où chaque jour j'apprends à voir, à regarder ces visages qui sans cesse changent d'une inquiétante rapidité : L'angoisse. L'angoisse de peut-être un jour, devenir quelqu'un d'autre à mon tour. Et si je change, je ne suis qu'un autre à ce que j'étais; quelle serait donc ma place ?

    J'aurais aimé arrêter ne serait-ce qu'un instant, ces hommes et ces femmes qui se croisent sans se voir, le regard comme usé par trop de visages étrangers. J'aimerais qu'ils s'arrêtent. Qu'ils s'adressent un regard, même par mégarde, où de courtoises invitations s'élanceraient comme une main tendue.

    Paris est devenue bien étrange; Paris, emplie de bruits de pas comme arrachés de sous nos pieds, qui s'en vont nauséeux et fébriles, vers de plus accueillants chemins. 

    Ce soir, ce sont de simples gens qui, comme un rideau de pupilles blafardes, se retirent doucement sous l'obscurité qui s'annonce. Cependant, il persiste quelques fois des gens comme cette mère et son fils au beau milieu de la rue, enracinés avec un regret passionné à cette vie fuyante comme une étincelle qui défaille. 

    J'ai du mal à saisir, tout me semble trop soudain, trop effrayant et pourtant si bienséant. 

    Ce soir le jour s'éloigne lentement plus loin dans la nuit et je me meurs avec lui. Qu'est-ce qui te force à te tenir en silence ? Vois-tu la splendeur terrestre et mon deuil avec elle ? Dis-moi pourquoi, en tout ce qui m'émeut, il ne semble exister que barrières et derrière aucun monde ? Sombre nuit. 

    Alors je marche, j'observe ces bâtisses aux portes grandes ouvertes, laissant entrevoir des gestes tombant de refus, des sourires éclatants aux visages et qui, l'instant d'après se figent, sans chaleur et sans joie. 

    L'ai-je déjà dit ? Je vois, et je commence à voir. 

    Des silhouettes de cendres qu'aucun vent n'emporte, et je rêve.

    Quelques moments encore et je serai délivré, quelques moments encore où mon âme s'emballe et me lance ébranlée : l'instant n'est qu'un décor qui sans cesse mûrit dans le silence et qui, d'une douceur infinie articule nos mouvements, sans parvenir au cœur.

     

     

    ©Damien Corbet - L'instant : règne de l'éphémère. Tous droits réservés.


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  • Bonne lecture à vous. 

     

    A.Macao

     

    Nelson Spark

     

     

    I - Incubation

     

    Il faut baiser Madame Dorneval, ne l'oubliez sous aucun prétexte.

    C'est ce que m'avait répété Mr. Hornet le long de la route du Grand Pas, heureux de rencontrer enfin cette femme difforme dont il faisait d'admirables éloges. Il avait pour habitude de me conter des Dames qu'aucun homme ne souhaiterait avoir à ses côtés, qu'elle se tienne en bonne ou même en garde-chiens. Il aimait d'ailleurs penser, qu'une belle dame bien en chair qu'une imposante fortune seule pourrait combler, serait toujours moins utile qu'un « laideron unique » qu'on cache en soirée de peur d'effrayer sa cour. Ce soir là, pourtant, Mr.Hornet se montrait tendancieux, insistant sur des principes qu'il m'avait sermonné avant chacune de mes venues, de ses nouvelles trouvailles. En effet, Madame Dorneval – Ou, la négresse aux boutons d'or, comme certains aiment à l'appeler- est une bourgeoise de premier choix de par sa fortune et qui, malgré son physique abominable, sait se faire entendre et respecter parmi la grande gente. 

    A ce titre, Mr.Hornet vint presque à douter de mes compétences, remettant finalement en question la somme qu'il dû dépenser pour mes services. «15.000 francs, tout de même. Avec une telle bourse, je pourrais m'offrir trois danseuses du grand Est et quelques dizaines des meilleurs cuisiniers que la France puisse compter, et ce pour le bonheur de Madame Dorneval. Vous en conviendrez donc qu'il est dans votre intérêt de m'offrir la main de cette belle et ce qu'importe la manière.»

    Le plus amusant finalement ne fut pas la remise en question d'une tierce somme, mais plutôt l'élégance qu'il avait à s'aimer dans un accoutrement des plus risible, et ce avec une joie qu'aucun ne pourrait gâcher. Il avait d'ailleurs dépensé une modique part de sa bourse - tout au plus 25.000 francs pour plaire aux dames-, autant fut-elle dérisoire à ses yeux.

    A cette occasion, Mr.Hornet s'était vanté de sa dernière acquisition - un chiffon dirais-je- auprès de quelques amis ou du moins, toute connaissance possédant une bourse inférieure à la sienne. Comme vous vous en doutez, ses invités lui accordèrent beauté, attirance, et autres choses futiles qu'un idiot, qu'une autruche admettrait en se prêtant au jeu. 

    Je fus donc le seul à lui retenir cette allure grotesque, et ce par quelques mots qu'il n'eut semble-t-il pas compris :

    - Vous pouvez être fier homme, Mr.Hornet, mais vos boutons plaident à la souffrance, si vous m'accordez cette remarque.

    - Vous êtes un homme, un vrai, Macao, différent de cette cour inutile, emplie de pauvres gens qui s'exaltent à la vue d'un grand homme. Ils savent regarder, certes, et vous en conviendrez, mais voir est un exercice bien plus complexe. 

    En effet, ce soir-là, voir m'aurait été bien plus utile que regarder. N'allez cependant  point croire que je suis un homme qui se substitue à tout acte courageux quel qu'il soit, mais Madame Dorneval, tout de même, je dois reconnaître à ce titre une faiblesse probante; je n'ai en aucun cas les mêmes facilités à concevoir l'attirance – aussi subjective soit-elle- telle que la voit Mr.Hornet. 

    Ce soir là, donc, il m'amena devant le portail de la villa de sa belle. On pouvait reconnaître à son jardin, ses servants, ses sculptures, son architecture, difformes tous autant les uns que les autres, l'objet de l'entêtement de Mr.Hornet à convoiter  Madame. Un jeunes homme d'une vingtaine d'année vint nous accueillir, portant à ses épaules ce qui se rapprochait au mieux d'un renard mort. En tout homme de classe, Hornet salua l'élégance de ce jeune et m'incita à le suivre seul, appuyant cette décision par ce qui semblait tenir de «l'excuse véritable» :

    - Voyons Macao, tout comme moi vous devriez savoir qu'un bourgeois plus fortuné que la femme qu'il convoite doit se faire désirer, la galanterie n'a pas d'ordre lorsqu'il est question d'argent. Aussi, quand bien même il y aurait galanterie, vous en ferez bon porteur en avançant ma venue.

    Madame Dornaval m'accueilli donc dans une salle aussi grande que la place des contes. Elle se tenait fièrement, entourée de statues d'hommes qui s'élançaient sous un plafond de rouge et d'orange qui lui, venait mourir dans l'immensité de sa pièce. Je m'avança donc devant Madame pour lui faire part de la venue de mon maître. Elle était habillée de toute sa fortune, un chapeau tombant sur son visage – qui laissait tout de même voir quelques traits marqués par son caractère, ou son âge-, une longue robe lui procurant des formes qu'aucune femme ne possède – et ne souhaiterait sûrement -, et ses mains cachées de gants en soie blancs parsemés d'éclats d'or. Toutes cette richesse était aguicheuse, certes, mais ce qui retenait avant tout mon attention était ces trois serviteurs, perdus parmi la dizaine qui parcourait le mur jusqu'à son infini désespoir. L'un somnolait comme un enfant, imprudent et rêveur, le second un peu moins agité, faisait sauter sa tête de gauche à droite comme si les cordes d'un magicien du bois venaient lui faire la courre. Le troisième enfin, n'était que l'ombre de lui-même, habillé tout de rouge et d'orange comme si la pièce venait prendre vie en son inconscience. Madame Dornval interrompue mon inattention d'un geste léger de la main, mécontente que l'attention ne lui soit pas en tous points destinée. Elle insista donc sur l'identité de Mr.Hornet, sur la raison de sa venue, son mystère, et m'obligea finalement, forte contrariée, à lui décliner nos intentions.

    - Voyez-vous, chère Madame, mon maître est un homme de plus aimable et respectable que l'on puisse trouver jusqu'à cent lieux d'ici. Mais avant tout, veuillez excuser mon impolitesse, je me nomme...

    - Qu'importe votre nom, votre maître, ce cher monsieur.

    - Mon maître m'envoie vous faire part de sa venue, vous transmettant ces mots :

    « Très Chère Madame Dorneval, il y a de cela quelques mois, des langues se sont dénouées pour enfin me laisser voir et connaître sans prétention la femme que vous êtes malgré les vils qui courent en ce temps. J'aime le mystère que je cultive sur ma personne, ainsi, vous comprendrez la démarche d'avancer mon Valet -aussi peu délicat qu'il soit, veuillez m'en excuser- pour vous annoncer mon arrivée. 

    Aussi, j'ai composé ces quelques mots vous transmettant sans fausses valeurs mes intentions :

    -  Il n'y a de noir que pour l'homme sachant où le jour se couche, et de réelles opportunités uniquement pour celui qui s'accorde à le voir se lever. La nuit est vôtre et n'en reste pas moins contemplée; ainsi j'aimerais faire de vous un tableau, qui chaque jour se ferait désirer.»

    - Et bien, voilà un homme sage et de bonne parole que votre maître. Aussi, qu'attendez-vous, allez donc le prévenir, qu'il vienne se réchauffer en mon humble demeure et ne tarisse pas de ces temps par votre incompétence.

     

    [A suivre]

     

    © Damien Corbet - A.Macao. Tous droits réservés. 


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  • En espérant que cette ébauche puisse plaire. Par avance, merci pour votre lecture et, éventuellement, vos retours. Bonne lecture.

     

     

    L’art est un proxénète, et j’en suis la putain.

     

    Nelson Spark

     

     

    L'art est un proxénète et j'en suis la putain. [Roman en cours]

     

    Incubation :

    Savons-nous réellement où nous allons...

    Au début, je m'étais dit que tout irait bien, qu'après tout, cela continuerait  quoi qu'on en pense, mais l'homme ne fait que suivre l'homme à sa plus belle et fausse image en croyant que le monde la suit tout autant...

     

    Quelques personnes aux balcons, d’autres encore entassées sur une des nombreuses places d’exécutions publiques, attendant parmi les ragots des uns et des autres. Devant moi se tenait un petit monsieur chauve qui cachait soigneusement sa tête lustrée sous une vieille casquette verte, qui, souriant bêtement sous sa moustache fraîchement rasée, tapait dans ses mains comme tout le monde ici, enfin, sauf moi et maman bien entendu. De temps à autres, je dépoussiérais ma sèche sur la veste d’un homme, un truc chic, dernier cri, du Gatchi, y parait. Du coup, maman me faisait souvent remarquer d’un signe de la main stricte mais léger, de me tenir comme il se doit, en me répétant doucement à l’oreille lorsqu’elle jugeait ma tenue indécente aux yeux des autres, que ce jour représentait la paix pour des millions de français ici. Dans le fond, j’en avais pas grand-chose à faire de me tenue, et encore moins de ce que les gens pouvaient en penser, puis, je suis plus un gamin, à vingt ans tout de même, il y en a qui pissent sur les murs en criant «vive la France», la liberté, la fraternité, mais dans le fond, c’est de la connerie tout ça. Maman se rapprocha de moi, la foule épaississait, et dans un bruit strident, comme du fer qu'on frotterait contre un tableau, les gens se mirent à danser. On venait d'annoncer l'abolition de la peine de mort en France. Alors, tous unis, ils criaient à tue-tête « 1981, c'est un peuple qui renaît ! ». Maman se pencha alors vers moi en me disant :   « Dansons avec eux, même si ce n'est que pour faire bonne image, dansons. »

    Je la regarda aussitôt d'un air dérangé et sévères puis lui répondis :

    « Maman, tu sais que je hais tous ces gens, ces grosses bourgeoises aux airs niais, ces potiches, Paris et ses prostituées, bien qu'elles soient plus productives que nos politiques. Certains viendront nous dire  qu'c'est beau et d'autres que c'est pas bien, tout ça sur le dos de ceux qui plaideront que c'est de l'art d'voir une femme nue danser. D'ailleurs, l'art c'est de la foutaise, avec tous ces snobes qui se disent artistes. Ça fait deux ou trois œuvres pour que quelques personnes un tant soit peu plus avérées d'esprit viennent dire «C'est magnifique, oui», alors que dans le fond c'est juste une autre façon de voir le monde, de le vivre. Puis ces dits « artistes » sont justes des fruits tombés trop tôt d'un arbre de peur de suivre un tronc commun – et c'est peut-être la seule raison pour laquelle je leur porte un intérêt, même le plus sadique. De toute manière, dans le fond, s'ont pas plus mal que ça, ces illuminés, ça donne matière à jacasser.

    Aussitôt cette que réponse argumentée de mots qui dérangent fut dite, maman me prit par le plis du blouson que mon père m'avait laissé en héritage, et me dit : 

    - J'vais boire, j'en ai marre de tes âneries, puis je pige rien à tout ton charabias.

    C'est vrai que maman n'était pas une femme intelligente, d'ailleurs, la seule chose qui aurait pu le laisser croire était sa tendance à s'enrober d'habits affreux comme ceux que portent ces crétins de la haute société. D'ailleurs, elle dit souvent qu'auprès d'une femme, un homme ne cherche en aucun cas à savoir ce qu'elle a dans le crâne, mais juste à zieuter ce qu'elle peut avoir d'attirant. M'enfin, autant se le dire, avec ses 130 livres y'a pas grand monde qui lui porte attention de manière intéressée, ce serait plutôt la mouche au beau milieu d'une salle silencieuse qu'on regarde lorsqu'on a rien d'autres à faire et que l'on se cherche une excuse à ne pas être assez studieux pour écouter les autres.

    Quoi qu'il en soit, le sum 37'bar était un coin sympa où John - un homme fort agréable et très cultivé question blasphèmes en tous genres- passait son temps. La première fois que je l'ai vu c'était il y a deux ans lors d'une soirée comme une autre ou plein de gens dépourvus de sens face à la réalité viennent se prendre pour des légumes et faire avec leur langue des bruits bizarre en estimant qu'c'est du classique. John, lui, il était clean ou presque - mais ça ne change pas grand chose  -, et criait gaiement et gaiement " L'commnise, l'comu...sime", suivis de mots trop pointus pour que je les retiennent tous. Il avait aussi flashé sur maman, et presque un peu tout le monde, entre autres choses.  Mais la raison la plus frappante pour expliquer mon intérêt  pour cet endroit était tout simplement le fait d'éprouver pour ces gens une pitié sans pareille – au point qu'elle soit comparable à l'orgasme- et de trouver néanmoins un quelconque aspect ludique en tout ça. 

    Moi, la seule chose qui me venait en tête, c'était «asile de fous» comme un refrain, persuadé que maman était un des cas les plus intéressants. Elle avait pour habitude de se cogner la tête contre le chandelier qui élance le bar, alors John lui, il voyait en elle une propagandiste du pape après quelques verres trop vite vidés ensemble.

    Maman s'approcha alors de moi, me sortant quelques pièces de monnaies qui traînaient au fond de sa poche, accompagnées d'un billet pour la fête dansante qui aurait lieu mardi et me dit :

    - Tu veux quoi, qu'est-ce qui te ferait plaisir, ce soir on roule sur la fortune, j'ai revendu quelques vieilleries qui appartenaient à ton père.

    - Tu rigoles j'espère ? Tu sais bien que j'y tiens à ces «vieilleries», comme tu dis. Qui plus est, si cet argent que tu dépenses au dépend des sentiments que j'éprouve pour mon regretté père ne t'insuffle aucun remord, je n'en veux pas.

    - M'sieur ! Deux bières s'il vous plait, et un scotch, aussi.

    - Tu m'as entendu ?

    - T'en fais pas va, il en reste encore pour quelques liasses, pis t'as pas à t'en faire, j'ai gardé quelques cartons qui te sont destinés. Vas donc t'asseoir plus loin, si ma bonté t'exaspère. Et profite.

    Une fois assis quelques tables  plus loin de celle de mon imposante mère, une dame plutôt mignonne, mais trop orgueilleuse par son attitude pour y prétendre verbalement, s'approcha et d'une voix préoccupée s'adressa à moi : 

    - J'vous sert quoi M'sieur ?

    - C'est déjà commandé.

    - J'vois que vous avez un billet pour la fête, vous dansez ? Dit-elle d'un ton rabaissant.

    - Mon poids vous gêne ?

    - Votre poids ?

    - Oui, mon poids. Vous avez quelque chose contre les gens forts ? J'fais peut-être 150 livres, mais les femmes ne se sont jamais plaintes.

    - Ben, non M'sieur.

    - C'est bien.

    Elle repartit alors aussi vite qu'elle fut venue près du comptoir ou se tenait sa patronne, une femme qui ne serait au goût d'aucun homme, aigrie et noire. Elles bavardèrent quelques instants, puis lorsque son imposant tronc daigna à se lever, elle vint me voir accompagner de ma bière, et la posa d'un geste franc et brusque sur la table :

    - Alors comme ça vous cherchez du tort à Mam'zelle Céline ? Non mais ho ! Où va le monde, je suis bien gentille de recevoir des gens comme vous et votre mère dans mon établissement alors qu'ça nous fait pas bonne image. Maintenant, le minimum pour des gras comme vous, c'est de boire son verre, de rester tranquille et de respecter celles qui vous servent. Non mais !

    - Tsss. Les proprios des bars sont tous les mêmes aujourd'hui, ça a bien changé s't'enseigne. Ça vend de l'alcool, et ça se croit Dieu. Non mais ! Comme vous dite. Il a fallu qu'un homme dise que l'alcool fut créé pour les hommes fous du bel âge, pour que des femmes telles que vous se prennent pour des bonhommes.

    - Si vous continuez comme ça, c'est la porte !

    - Et bien, la porte, je la connais. Et je m'en vais de ce pas. Gardez donc votre pisse pour d'autres, le minimum ici, c'est de vendre de la bière. 15 francs pour ça, sa se dénoncerait presque. Allez, viens maman, on s'en va.

    - Mais la bière est bonne, laisse-moi la finir.

    - Ce n'est pas le cas de la propriétaire, on y va !

    - Bon, j'appelle la police.

    - Ce n'est pas la peine. Vous entendrez parler de moi.

    Maman sortie en ayant encore son vers à la main et, comme si de rien était – ou du moins, comme si elle semblait avoir suivie une quelconque conversation qui aurait pu être celle de la patronne et de moi-même- elle répliqua :

    - En effet ! Et mon fils n'est pas de gauche, mais il se soigne !

    Non peu fière d'avoir répliquée avec une telle sûreté – ou dirons-nous sottise-, elle entama un long mouvement digne du plus grand ballet saoul pour ouvrir la porte de notre voiture. Enfin voiture, je ne sais pas si cette vieille carcasse en ferraille mériterait ce titre. Une fois assise, elle se désista finalement à conduire et décida de me traîner autre pars, en expliquant que la charge était bien trop importante pour ce vieux véhicule. 

    - Insinuerais-tu que je suis fort en graisse, maman ?

    - Bien-sûr que non, mon chéri, tu sais bien que nous avons l'habitude de voyager plutôt lourd généralement, avec tous ces bagages. Dit-elle tout en se touchant le ventre comme une femme enceinte.

    Au moment où maman décida enfin de se diriger vers un bar qu'elle montrait du doigt avec beaucoup d'entrain, John vint nous voire en nous priant de l'écouter. Bien entendu, maman, comme toute bonne femme de bon cœur qui se respecte accepta avec un sourire digne du plus beau des ignares. John étala toute ses connaissances afin de faire bonne image auprès de maman -en sachant que cela ne le mènerait à rien, parler de saoul à saoul, c'est comme se parler seul-, et expliqua les principes du rapport mère-enfant – entre autre. Maman tilta alors et se mit en tête de rattraper toutes nos années perdues. En vain, puisqu'elle se coucha quelques instants après.

    Quelques minutes plus tard, un gendarme qui passait faire sa ronde s'arrêta quelques instants en dévisageant John puis  lança d'une voix grasse et sale :

    Hé, vous deux, z'avez pas d'autres choses à faire que d'ennuyer les bonnes gens avec vos odeurs de chair saoule ? Faudrait quand même nous montrez un peu de mérite, à nous, à l'ordre, pour vous acceptez là.  Puis c'est quoi ça, HEIN ?!

    - Ça, comme vous dites, c'est ma mère, et elle vous salue, malgré l'incapacité qu'elle émet à le faire. Dis-je d'un ton taquin.

    - Dis-moi toi, le gros, c'est pas que tu m'énerves, mais faudrait que tu te montres respectueux envers moi, hein ! J'en ai mis pour bien moins au trou tu sais !

    - Wowowowowoh ! Hé ho ! Doucement, y'a pas mort d'homme m'sieur l'agent, heinnnnnn. Dit John en étant à moitié conscient de ce qui se passait.

    - Non mais pour qui vous prenez-vous, et toi là, le gros, t'sais que t'as la tête du communiste, hein ! Tu vas venir gentiment au poste nous en dire un peu plus sur toi.

    - Non mais laissez-le ce gosse, vous l'enlèveriez devant les yeux de sa mère, et vous vous dites flic c'est ça ?

     

    Le gendarme finit alors par m'emmener au poste et me fit m'asseoir dans une pièce sombre et sinistre ou un homme mal rasé, vêtu d'une chemise noire et d'un jean presque neuf, se mit à me poser diverses questions :

    - Nom, prénom, lieu de naissance. Vous êtes communiste, parait-il ?

    - J'ai pas vraiment de nom monsieur, à vrai dire on me nomme comme on veut. Puis communiste, ce serait nouveau ça. Bon, je l'admets, j'aime pas l'espèce humaine, et si elle pouvait disparaître, tout le monde s'en tirerait à bon compte. Mais ça ne fait pas de moi un communiste.

    - En effet, un nazie, un nazie, monsieur !

    - Ha ! Un nazie, et bien dites-moi, vous qui semblez si sage de jugement, citez-moi les actes qui vous mènent à cette conclusion si bien fondée ?

    - Hum.

    - Vous savez, vous n'avez rien. D'ailleurs, c'est comme ça pour tout. Le violeur lui vous dira : Mon sexe est la raison lorsque mon cerveau éjacule des pensées qui n'a-donnent que la mort. Et suite à cela,  vous l'emprisonnerez sans chercher à comprendre le sens même de ses dires. Alors oui, monsieur, je suis coupable d'être génie, et si votre éloquence est aussi marquée que votre pouvoir à n'avoir aucun répondant, relâchez-moi, évitons-nous une perte de temps.

    - Du temps, vous en aurez, croyez-moi !

     

    [A suivre]

     

    © Damien Corbet - L'art est un proxénète et j'en suis la putain. Tous droits réservés. 


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    Comme l'ombre le reflet.

     

     

    De par mes pieds je n'ai su que marcher... n'étant qu'un peintre aveugle où l'ombre est vérité.

     

    Te souviens-tu, nous avons vu des corps froids qu'on posait sur chacun des silences, alors qu'il suffisait d'un gouffre.  Parfois-même, nous regardions ces hommes s'accorder des cendres que nul œil ne pleure, leur bouche n'étant en rien moins misérable.

    Alors je me couchais en toi pour un simple incendie de noir, de cris, je me cachais en elle,

    là où non loin de moi tu souhaitais voir le monde.

    A l'horizon, je l'avais vue trébucher sur chacun d'eux, puis rester immobile comme frapper d'insomnie - me semble-t-il, lorsque mes yeux couverts de chaires – comme tout jeune enfant nu de naissance - parlaient d'eux-même pour ne plus voir et ne faire que conter.

    J'ai rêvé d'elle, encore, tenant ses bras sûrs comme les montants d'un palais, et ses lèvres mortes étendues comme une allée d'aiguilles enfoncées sous ma peau. A la criée des armes tu avais en ton ventre une peur qui me hurlait la vie, des poudres telle une âme qu'on macère en ses mains, souhaitant vendre son sol à mes ongles arrachés.

    Les lieux ne s'achètent pas et les passions se brûlent. 

    Tu n'avais que ces femmes pas plus noires d'où le ciel semble sombrer,

    Pour que nos pieds harcelés tel un cailloux par les vagues,

    puissent enfin se défaire d'un lien comme d'une identité mais...

    En dessinant l'absurde qui surgis en tout pas pour n'y voir que le monde,

    au bout, à l’extrême bout d’un pinceau, 

    là où l’ivresse du regard n'est pas moins désirable,

    nous avons fait voyager lumières et foules dont les mouvements s’arrêtent pour combler l’horreur,

    où la nécessité bien plus que l’art continuera muette en effleurant l’esprit,

    jusqu’à l’imaginable. 

     

     


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    Puisqu'il fallait bien mourir quelque part

     

     

     

     

     « Les hommes qui vivent ici sont nommés de silence... »

     

     

    Je me souviens de toi, partant dans cette grande bouche qu'est le chagrin d'automne.

    Tu aimais les silences entreposés dans les recoins du soir, les bruits qui courts en insolant les vents pleureurs.

    Parfois, nous nous laissions surprendre par les torrents d'avril, par la venue des arbres qui sans cesse se bombent le torse comme les morceaux  impuissants d'un baiser viennent se coller à nos joues pour exploser nos cœurs;

    Je me souviens de tout.

    Des hommes du nord souhaitant s'étendre au devant des collines, les mains levées au ciel comme des oiseaux brûlés de froid.  

    Des ombres et des parterres tracés à la craie blanche; 

    De toi, le regard immobile comme des enfants éperdus sous les phares; 

    Tu ne pensais qu'à mourir comme le ciel .

     

    Le temps eut finalement raison de ton corps qui s'écrase doucement le long des rues désertes. Alors les yeux rivés vers ce qui te semblait si haut, tu as fait de toi des étages incrustés de bétons où les derniers soupirs des tes joies s'envolent dans un accès bruyant de train perdu en gare.

    « Tu rêvais de voyage, d'hommes et de femmes où l'âge d'or ne brûle pas les ombres en réveillant ceux qui dorment sous ta peau. »

    Ainsi tu penses être famille et refuge à celui qui recule en ne laissant que d'obscurs grillages au fond du cœur; Tu t'imposes contraste prude d'une ville en feu où les esprits fragiles s'égarent pour finir en tes bras comme les insectes au bord de nos cafés.

    Aujourd'hui on ne compte plus les hommes qui ont fini par faire de leur corps tes murs, les femmes tes fenêtres par lesquelles tu t'adonnes à voir courir le temps aux rues sur de trop longs silences, et les rires des enfants, débris de jaune et de crasses, jetés par dessus bords pour qu'ils boivent la tasse et vomissent le monde.

    Puisqu'il fallait bien mourir quelque part et que les routes sont toujours un peu plus les mêmes, j'irai purger des murmures égards tel un corps oublié marchant à la dérive, afin de joindre ma voix aux cent qui souffrent sur tes murs.


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